Le vrai changement, c’est quand ?

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Longbox BérangerFrançois Béranger avait posé cette question en 1981, peu après l’arrivée de François Mitterand au pouvoir. Pareille question est plus que jamais d’actualité en ces temps de pré-explosion sociale.

François Béranger avait l’art de dire les choses sans circonvolutions, sans mettre d’eau dans son vin. Pas vraiment le genre “politiquement correct”, ni d’ailleurs le genre “politiquement incorrect” qui n’est qu’une autre façon d’anesthésier les consciences. Il forçait parfois un peu le trait (“L’état de merde” par exemple), à peine d’ailleurs, mais derrière quelques expressions “grossières” et quelques raccourcis hilarants se révelait la subtilité du libre-penseur et de l’artiste.

Cette absence de concessions, il l’aura payé au prix fort : on ne l’a guère invité sur les plateaux TV, guère diffusé sur les radios non plus, à part quelques “tubes” comme “Tranche de vie”, “Mamadou m’a dit” et “Canal 19”.

Après un premier album enregistré chez CBS en 1969 et orchestré sans qu’il ait son mot à dire, il choisit lui-même ses musiciens dès le deuxième album et quitte CBS pour le troisième, publié chez L’Escargot, le label de Gilles Vignault, où il bénéficie d’une totale liberté.

La critique sociale, déjà présente dans “Tranche de vie” se fait plus féroce, plus incisive, comme dans “Manifeste”, “Nous sommes un cas” ou “Magouille blues”, qui ne sont pas vraiment le genre de chansons à figurer dans une playlist consensuelle. Même la poésie sublime du “Monument aux oiseaux” et de “Natacha” y semblerait incongrue d’ailleurs.

A défaut de monopoliser les radios et la TV, François Béranger se découvre entre amis, comme un livre interdit ayant échappé à l’autodafé. C’est la rencontre d’un grand frère qui a su mettre en paroles et en musique nos révoltes et nos espoirs, avec une irrévérence que nous n’avons pas osé exprimer et un humour effronté propre à la connivence.

Evolution musicale

Musicalement, on ne peut pas dire qu’il creuse le même sillon en se contentant de le mettre au goût du jour, non. Si ses débuts sont colorés par un genre folk parfois déluré, il passe à un jazz-rock audacieux après sa rencontre avec Jean-Pierre Alarcen. Des chansons bien enlevées comme “Le monde bouge”, aux guitares superbes, à des merveilles comme “Paris lumière”, savante architecture de plus de 19 minutes, qui tend vers le rock progressif et où il laisse toute la place à ses musiciens.

Cette période jazz-rock, exceptionnelle tant il y a un renouvellement musical constant et une maturité épanouie dans les textes de Béranger, se prolonge après un changement de musiciens, dont le pianiste Bertand Lajudie, et connait quelques incartades “ethniques” (“Mamadou m’a dit”) et country (“Canal 19”), mais aussi quelques œuvres de longue haleine comme les 16 minutes de l’époustouflant “Article sans suite” ou le sublime “Le messager”.

S’ensuit alors une longue parenthèse interrompue juste par “Dure mère”, un album fait essentiellement avec des synthétiseurs avant un retour affirmé en 1997 dans une formule acoustique plus traditionnelle, avec les superbes arrangements de Lola Zanelli. Un magnifique album, enregistré en public en 1998 avec une petite formation, revisite les plus belles chansons de François Béranger, avec des orchestrations dépouillées, où les notes s’égrènent dans toute leur beauté, où la voix de François, douce et grave, chaude et fraternelle, respire et vient nous toucher au fond du cœur.

Un dernier album au titre prémonitoire en 2002, “Profiter du temps” et un album posthume de reprises de chansons de Félix Leclerc, l’idole de sa jeunesse, la boucle est bouclée. François Béranger s’éteint le 13 octobre 2003.

Une anthologie pour (re)découvrir François Béranger

Futur Acoustic, le label qui a “remis en selle” Béranger, a publié parallèlement aux rééditions d’albums anciens une excellente anthologie, “Le vrai changement, c’est quand ?”, comprenant 3 CD et 1 DVD. Cela n’a pas du être une mince affaire de faire un choix de chansons, mais faire mieux eut été sans doute de publier un coffret de l’intégrale de Béranger, ce qui n’est évidemment pas le propos d’une anthologie. Le choix de chanson est judicieux et elles ont été réparties en trois thèmes : “La révolte”, “La poésie” et “L’amour”. C’est plutôt bien vu, même si l’ordre chronologique eut permis de mieux suivre l’évolution de François Béranger.

Le DVD est une surprise inespérée qui contient un documentaire sur François réalisé par Philippe Worms, dont l’approche sensible et émouvante de l’homme et de l’artiste est vraiment réussie. Egalement sur le DVD, le concert de 1998 dont il est précédemment question et un clip vidéo. Ici, pas de bonus superflus à foison, mais plus de trois heures essentielles avec Béranger.

Cette anthologie au format “longbox” est un magnifique cadeau pour l’amateur de Béranger, mais aussi le meilleur moyen de le découvrir dans toute sa richesse et sa diversité. A signaler aussi que le prix de vente de l’objet est souvent bien moins élevé que ceux des “longbox” des poids lourds de la variété française, (sans parler du DVD !). Et c’est 0% de matière grasse !

Site officiel : http://www.francoisberanger.fr/

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